RM 215 - Hommes
Sir Coleridge Kennard ou "Le Portrait de Dorian Gray"
1904
Huile sur toile
Signé en bas à droite “J.-E. Blanche”
117 x 95 cm - 46'' x 37''3/8 in.
Provenance :
Collection Sir Coleridge Kennard Bart
Ses descendants
Sotheby’s, Londres, 8 juillet 1970, lot 47
Stéphane Deschamps, Paris, acquis lors de la précédente vente
Madame Lemonnier (soeur de Stéphane Deschamps)
Ses descendants
W.M. Brady & Co., INC, New York
Collection particulière,Italie
Expositions :
1908, Paris, Grand Palais, XVIIIe Salon de la Société nationale des beaux-arts, 15 avril-30 juin, n° 116, titré "Sir Coleridge Kennard Bart"
1924, Paris, Hôtel Jean Charpentier, Peintures, pastels et lithographies de Jacques-Emile Blanche, 3 mars-28 mars, n° 38, titré "Le Portrait de Dorian Gray"
1997, Rouen, musée des Beaux-Arts, Jacques-Emile Blanche, peintre (1861-1942), 15 octobre 1997-15 février 1998, n° 32, p. 115-116, p. 116 reproduit en couleur
2000, Londres, Barbican Art Gallery, The Wilde Years: Oscar Wilde & the art of his time, 5 octobre 2000-14 janvier 2001, n°39
2012, Paris, Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, Du côté de chez Jacques-Emile Blanche, 11 octobre 2012 - 27 janvier 2013, p. 53 reproduit en couleur
Bibliographie :
R. E. Dell, “Art in France”, The Burlington Magazine for Connoisseurs, vol. 13, no. 61, avril 1908, p. 51
R. E. Dell, “Art in France”, The Burlington Magazine for Connoisseurs, vol. 13, no. 63, juin 1908, p. 177
Norberg Pierre, «La peinture au salon», Art et Décoration, juillet 1908, t. XXIV, p. 21-36 ; p. 23
J.-E. Blanche, Portraits of a Lifetime, The Late Victorian Era, The Edwardian Pageant, 1870-1914, Londres, 1937, p. 224
Roberts Jane, Jacques-Emile Blanche, Gourcuff Gradenigo, Montreuil, 2012, p.98-100, p.101 reproduit en couleur
Sir Coleridge Arthur Fitzroy Kennard (1885-1948), plus connu sous le nom de Roy Kennard, était le fils unique de Madame Carew, grande amie d’Aubrey Beardsley et surtout d’Oscar Wilde : en effet, ce fut elle qui commanda et paya en 1909 le tombeau de Wilde par le sculpteur Jacob Epstein au cimetière du Père-Lachaise. Blanche connut le jeune Roy par l’intermédiaire de l’écrivain Harold Nicholson qui, accompagné de son meilleur ami Kennard, était venu étudier la langue française à Paris afin de rentrer au Foreign Office. Par Blanche, ils rencontrèrent Barrès qui les reçut tous les deux. Roy était, à dix-neuf ans, déjà connu pour sa grande beauté à Londres. Son père, Hugh Coleridge Downing avait crée le journal The Evening News et à sa mort en 1891, Roy hérita de son titre et de sa fortune. Blanche fit poser le délicat jeune homme blond sur le canapé en chintz à Auteuil, en costume de velours, nœud romantique en soie et col cassé, dans une attitude pour le moins équivoque. Ce portrait, commandé en 1904 par Madame Carew, divorcée puis veuve en 1903 de son deuxième mari l’homme politique irlandais Carew, loin de lui plaire provoqua sa colère et un froid qui durera jusqu’à sa mort, près de trente ans après. Blanche, éberlué, reprit le tableau; plus tard il questionna son ami Roy Kennard sur les raisons de cette brouille absolue et définitive: "Ma mère est aussi malheureuse que vous mais si elle ne vous écrit plus et refuse de voir vous et votre femme qu’elle aime tant, c’est à cause DU PORTRAIT. C’est par ce que le portrait est trop révélateur. Il montre le véritable Roy qu’elle imagine en son for intérieur être tout à fait différent. Vous avez vu dans mon avenir …" répondit ce dernier. Blanche l’exposa au Salon de 1908 sous son vrai titre. Cependant, après cette rupture spectaculaire, il n’osa le remontrer qu’à la rétrospective de 1924 - “autour de 1926” selon Blanche, avec l’accord de Roy, dont la mère était alors très âgée, à la condition que son nom ne figure pas au catalogue. Le rédacteur qui n’avait aucune idée de l’histoire, lui donna par hasard le titre Portrait of Dorian Gray tant le héros du roman de Wilde correspondait étrangement au modèle ! En 1928, à la mort de sa mère, Kennard qui «avait toujours désiré posséder, le souvenir de sa jeunesse romantique ayant causé ce malentendu si étrange » racheta son portrait à l’artiste. Diplomate de carrière, Roy Kennard hérita, à la mort de sa mère, de la magnifique propriété d’Eilenroc sur le cap d’Antibes où il se retira avec sa deuxième femme et ses enfants. Résistant exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut torturé par la Gestapo pour y avoir caché des aviateurs alliés.